Je vous ai abandonné lâchement pendant trois semaines avec la Ligue 1. Je suis si désolé. Et, en même temps, je n’ai guère de remords tant la CAN offre, malgré tout, une fraîcheur qui fait du bien.

Ce n’est pas tant que j’ai du mal à me passionner pour la lutte pour le titre de champion de France, quoi que…. C’est tellement important pour Lyon et Marseille d’être éligible pour la Ligue des Champions, que je crois le titre parfaitement secondaire pour ces deux clubs. Reste un client (capital) pour lequel le titre est ultra-prioritaire…

Mais revenons de (je débarque tout juste en France) et sur la CAN 2013. Sportivement, je ne vais sûrement pas vous dire que c’était une grande compétition. Il a vraiment fallu attendre les quarts de finale pour voir enfin des matches de bon rang. En ce sens, le Nigéria (sur un quart et une demi de bon niveau) et la demi-finale Ghana-Burkina Faso doivent à peu près suffire pour vous décrire ce que fut le CAN. En y ajoutant toutefois un Afrique du Sud-Maroc de tous les suspenses au dernier jour du premier tour.

Côté jeu, vous repasserez. Des équipes peu affutées (Côte d’Ivoire !), des joueurs qui peinent à trouver le rythme de la compétition à force de cirer les bancs européens (Sissoko, Kolo Touré parmi les multiples exemple…) ou de voyages exotiques (Drogba, Keita). Bref pas de quoi réveiller le commentateur. Même si quelques découvertes font toujours du bien, qu’elles soient cap-verdiennes, burkinabes ou ethiopiennes.

Essayons donc, à la veille de la finale Nigéria-Burkina Faso, aussi inattendue qu’un regain de la croissance en France, de faire un bilan de cette CAN sur le plan de la performance des joueurs. En prenant pour critères essentiels (c’est la règle ici) les données statistiques.

LES JOUEURS DECISIFS DE LA CAN 2013

Quels sont les joueurs qui ont été les plus décisifs ?

On va étudier ici de nombreux domaines qui iront du gardien de but jusqu’aux attaquants. Commençons par ces derniers.

Si l’on ramène au nombre de buts inscrits par leurs équipes, Seydou Keita a encore pesé lourd sur l’équipe malienne. 75% des buts maliens sont venus de lui.

Mais, en considérant les équipes qui ont marqué plus de buts, les chiffres consacrent deux joueurs clés, justement impliqués dans la finale: Pitroipa (Burkina Faso) et Emenike (Nigéria).

% d’implication CAN 2013

Le Burkinabe Pitroipa a d’abord travaillé pour Alain Traoré qui s’est mis en lumière en un match et demi (3 buts). Mais, une fois encore blessé, Traoré revient ce dimanche à Johannesburg pour être sur le banc avec son équipe. Pendant son absence, l’ailier rennais a pris les choses en main pour emmener son équipe jusqu’en finale. Son implication aurait pu aller encore plus loin sans M.Slim Jdidi, arbitre tunisien de la demi-finale contre le Ghana, dont la médiocrité aurait pu ressusciter Thierry Roland et son célèbre « on ne pouvait pas trouver mieux qu’un arbitre tunisien pour un Argentine-Angleterre ?», théâtre de la main de « Dieu » Maradona.

Il aurait dû obtenir un penalty évident en prolongation au lieu d’être exclu pour simulation. La CAF devrait réparer la bévue et s’éviter un ridicule encore plus éprouvant en levant la suspension pour la finale. La double peine passe encore. La triple, cela devient beaucoup.

Pitroipa est essentiel dans cette équipe burkinabe. Paul Put, son sélectionneur belge, l’a même fait jouer axial derrière l’attaquant sur certaines rencontres pour mieux montrer l’influence qu’il lui reconnaît. Elle se lit dans les chiffres.

Pitroipa va jouer devant le but adverse, même s’il ne connaît pas devant le but la réussite d’un véritable avant-centre. Il est le joueur qui touche le plus de ballons devant le but. Davantage encore

Que de purs attaquants comme Gyan ou Adebayor. Le seul autre pourvoyeur de cette liste apparaît au huitième rang (Gervinho) de ce classement.

Ballons touchés dans la surface adverse – CAN 2013

Revenons à nos joueurs clefs et à Emenike, côté Nigérian.

On va le retrouver dans un classement davantage consacré aux purs attaquants avec la conversion des tirs en but. Normal pour celui qui apparaît comme le meilleur buteur de la compétition avec quatre buts. Pour être parfaitement honnête, son coup-franc dévié contre le Mali n’aurait pas dû lui être attribué, le ballon (non cadré) étant dévié par Sissoko.

Mais son efficacité est tout de même redoutable avec plus d’un tiers de ses tirs faisant mouche. Il n’est devancé que par les penalties accordés généreusement au Ghana, ayant largement contribués aux quatre buts de Wakaso (dont trois penalties). Sur les 15 penalties accordés lors de cette CAN (7 en 2012). Par une fantaisie de son sélectionneur, Wakaso n’a pas tiré de tir au but contre le Burkina Faso. Il était le cinquième tireur ! Si vous ajoutez à cela que Gyan ne tire plus de penalties depuis la promesse faite à sa mère sur son lit de mort l’an dernier, le Ghana se traînait quelques handicaps à l’heure d’accéder dans ce qui aurait été une première finale anglophone depuis 1994. Heureusement, le Burkina Faso a su s’élever contre le pouvoir de l’arbitre M.Slim Jdidi.

Ratio buts/tirs – CAN 2013

Complétons d’ailleurs tout de suite l’analyse en mettant en avant ceux qui ont cadré au cours de cette CAN. A ce jeu, Alain Traoré confirme la qualité de sa frappe avec 7 tirs cadrés sur 11. Le tout en 150 minutes de jeu environ.

Pour le reste, ce classement fait apparaître Victor Moses, grand homme de l’attaque nigériane même s’il laisse Ideye et Emenike à la pointe. Moses n’a marqué que sur penalty. Mais il est diablement influent en retrait des deux pointes de son équipe. Et il est candidat au titre de meilleur joueur de la CAN si son équipe l’emporte dimanche. Alors qu’on attendait comme grand vainqueur Didier Drogba, qui fait pâle figure avec deux tirs cadrés sur 11 tentatives (et un but tout de même, son 11^ème en phase finale de la CAN).

On attendait moins Bancé, le frustre attaquant burkinabe. Qui n’a pas lésiné contre le Ghana avec 9 tirs, dont 4 cadrés. Dont un but inscrit, plus un tir au but réussi d’une Panenka….

Vous ne serez pas davantage surpris d’apprendre que parmi les trois joueurs ayant subi le plus de fautes, apparaissent Emenike (3^ème) et Pitroipa (1^er avec 21 fautes subies). Seul le Cap Verdien de Dijon Tavares s’intercale.

Outre le fait de disposer d’attaquants de valeur, les deux finalistes ont un autre point commun : compter sur un régulateur à son meilleur niveau d’expression. Si la présence de John Obi Mikel ne vous surprendra jamais parmi les joueurs touchant le plus de ballons, vous serez peut-être moins ouvert vis-à-vis de Charles Kaboré. Et pourtant….

Durant cette CAN, avec une rage démultipliée par son club qui a voulu se débarrasser de lui avec légèreté alors qu’il était en Afsud, il s’est révélé comme la grande personnalité de cette équipe burkinabe. Leader, tireur de coup-franc, meneur de jeu arrière (parfois à l’excès en ce qui concerne les longs ballons), Charles Kaboré fait une grande CAN. Parfaitement secondé par Djakaridja Koné (joueur d’Evian très bien placé au nombre d’interceptions réussies), Kaboré montre un caractère exemplaire qui a aussi participé de la très bonne première partie de saison de l’OM. Celui-ci a bien tort de négliger ses perf africaines. Il a même le record de ballons touchés contre le Togo de….Romao (nouvelle recrue olympienne) avec 141 ballons touchés durant les 120 minutes de jeu du quart de finale. Tout en réussissant la passe décisive sur un corner pour la tête de Pitroipa.

Ballons joués – CAN 2013

Bien sûr, Kaboré a aussi fait sa part défensive, même si on va retrouver davantage les Koné dans le classement des ballons récupérés. Mais ne croyez pas que le généreux Charles a laissé sa part. Toutefois, dans le combat, il est symptomatique de relever qu’on a commis beaucoup de plus de fautes sur lui (18, soit plus de 4 par match joué) qu’il n’en a lui-même commis.

Interceptions – CAN 2013

Enfin, pour en finir avec les joueurs clefs de cette CAN, autant terminer avec les gardiens de but. Pas toujours à leur avantage au cours de cette CAN (sauf les deux Diakite, le Malien et le Burkinabe, dans les séries de tirs au but), les gardiens de but ont eu une importance vitale dans cette CAN. Dauda a longtemps soutenu des actions ghanéennes en baisse. Khune aurait pu emmener l’Afrique du Sud plus loin, mais il n’a pas réussi sa séance de tirs au but contre le Mali. Copa Barry a d’abord préservé la Côte d’Ivoire, avant de l’enfoncer contre le Nigéria. Et ce dernier possède sans doute le gardien africain le plus régulier sur la durée avec Vincent Enyeama, le remplaçant de Landreau l’an dernier à Lille.

% de tirs arrêtés – CAN 2013

Enfin, pour les amoureux de stats qui ont regardé la CAN à la TV, ils ont dû avoir une curieuse impression en regardant les données physiques affichées pour les joueurs. Très en-deça des performances des mêmes joueurs en Europe, on pouvait être tenté de tirer des conclusions hâtives. Le volume de courses étant très bas, on doit en déduire que le rythme n’était pas le même que sur les matches européens. La faute à la chaleur, parfois (pas si souvent dans cet été sudaf pourri), la faute au baromètre (à l’outil) bien plus souvent. Durant la CAN, les chiffres sont progressivement montés, jusqu’à atteindre des niveaux relativement usuels. Manière de dire que les stats du début de CAN sur les données physiques étaient tout simplement fausses. Le baromètre était tronqué. Un peu comme l’arbitrage. Nul n’est parfait….