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L’Espagne : avec ou sans n° 9 ?

Publié le 18 juin 2012, dans Euro 2012.

« L’avenir, ce sont des équipes avec quatre défenseurs et six milieux qui plongent alternativement vers l’avant. »

La phrase est de Carlos Alberto Parreira, entraîneur brésilien champion du monde 94 avec le Brésil.

Bien évidemment, cette assertion est très récente et inspirée par le modèle barcelonais où Messi peut décrocher fort loin et où le nombre au milieu fait aussi la richesse des redoublements de passe du Barça. Ce qui n’empêche pas d’empiler les buts alors que Guardiola aligne peu d’attaquants, et surtout peu d’attaquants de grande qualité.

On aurait éventuellement préféré une référence plus proche du jeu du Barça ou de Nantes (le blog à doudouce aimait bien, avant….). Certes, Carlos Alberto Parreira était avant tout un prof d’éducation physique, devenu préparateur physique, avant de devenir un entraîneur à succès dans un style très cadré. Il n’y a pas que des génies au Brésil.

Bref, en l’absence de Denoueix, Guardiola, Suaudeau ou Cruijff, essayons de tirer au clair ce débat empli de paradoxe. Tout le monde (ceux qui aiment le « jeu » de foot, en tout cas) s’accorde à dire que le Barça (en club) et l’Espagne (en sélection) pratiquent le meilleur football. Ils seraient pourtant les inventeurs d’un football sans attaquant ? Vrai paradoxe puisque les « aficionados » de football n’accole l’étiquette « beau jeu » (expression un peu vide de sens, mais on en parlera une autre fois) qu’à des équipes offensives. Or, peut-on être offensif en jouant sans attaquants ? Là est la question….

Et le problème est bien différent au Barça ou en sélection. Le Barça a surtout manqué d’effectif offensif et s’est retrouvé handicapé par la blessure de Villa. En comparaison, la sélection de Del Bosque a fait le choix de jouer sans attaquant nominal face à l’Italie puisque l’avant-centre se nommait Fabregas. A l’inverse, il a profité du match à sens unique contre l’Eire pour relancer Fernando Torres.

Certes, le résultat final a été plus favorable contre l’Eire avec une vraie pointe. Mais l’adversaire n’était pas le même. Pour en savoir plus, il fallait que le Blog à Doudouce aille mettre un peu la tête dans les chiffres.

1-L’Espagne est-elle disposée de la même manière avec Torres ou Fabregas ?

OUI ET NON.

Position moyenne des joueurs de l'Espagne face à l'Italie

Le schéma de jeu reste globalement le même, la position d’avant-centre ayant bien été occupée par Fabregas contre l’Italie. Mais Torres n’a pas évolué  de la même manière contre l’Eire. Comme si l’équipe évoluait en fonction des joueurs, et non l’inverse. Fabregas évolue de façon assez axiale dans un style de remiseur ou de joueur libre plus que d’avant-centre. Du coup, il a touché 74 ballons (pour 74 minutes de jeu, comme Torres contre l’Eire). Silva a pu aussi venir dans l’axe, mais sans aller au front. Ce qu’a su faire une fois Fabregas puisque son appel en profondeur a abouti au seul but espagnol contre l’Italie. Mais il n’a touché que 5 ballons dans la surface de réparation.

C’est la grande différence avec Torres qui, avec seulement 40 ballons, en a touché 14 dans la surface. Curieusement, contre l’Eire, Fernando Torres est bien davantage allé appeler des ballons sur les deux côtés.  Faisant davantage d’appels vers le but adverse, on peut expliquer qu’il touche bien moins de ballons que Fabregas qui va davantage au-devant de ses coéquipiers.

Ballons touchés par Fabregas face à l'Italie

 

 

 

2- Qui joue avec les avants-centres ?

On ne peut être surpris de retrouver Xavi comme principal pourvoyeur de Fabregas (18 ballons). Plus déroutant, le meneur espagnol n’a donné que 4 ballons à  Torres lors du second match. Qui pour le suppléer ? Pas Iniesta, autre Barcelonais allergique à un joueur de Chelsea (joke !), puisqu’il ne lui a donné que trois ballons. Il faut donc aller chercher du côté de Silva pour trouver le meilleur pourvoyeur avec 8 ballons offerts à Torres. Un clan « anglais » contre un clan catalan ? Un peu schématique mais, très naturellement, des automatismes de club se trouve valorisés en sélection.

3- Pour quelle efficacité ?

Bien sûr, l’Espagne a davantage marqué contre l’Eire et Torres en a profité pour faire un doublé face au seul but espagnol contre l’Italie, tout de même inscrit par Fabregas. L’équipe espagnole a pu tirer 50% plus contre l’Eire avec 5 frappes de Torres (3 cadrées) quand Fabregas s’était limité à 3 contre l’Italie. Est-ce la présence d’un attaquant ? Ou le fait de davantage frapper dans la surface ?

En tout le cas, le % de tirs cadrés monte à 75% quand il n’était que de 43% sur le match contre l’Italie. En s’approchant plus avec Torres au tir, à la remise ou avec un appel qui fait de la place pour les milieux, on cadre plus. CQFD !

Position moyenne des joueurs espagnols face à la République d'Irlande

Conclusion :

Bien sûr, les chiffres rappellent qu’on joue mieux au football avec un avant-centre. Surtout quand il participe au jeu et est aussi doué dans le jeu que Fernando Torres. Il semble évident que Del Bosque aurait mis un véritable avant-centre dès le premier match s’il avait considéré que Torres était dans un état de confiance à peu près correct. Reste que Torres aurait pu s’enliser contre l’Italie, quand il a, au contraire, pu acquérir toute la confiance nécessaire face à une équipe d’Eire d’une insigne faiblesse.

On joue mieux avec un attaquant parce que c’est l’ensemble du jeu de l’équipe qui trouve plus de terrain d’expression. Plus de profondeur ne veut pas forcément dire courir le 100 mètres en 10 secondes et aller directement au but. C’est surtout allonger le terrain, étirer l’adversaire et ouvrir des espaces pour les passes de magiciens comme Xavi, Iniesta ou Silva. Parce qu’avec eux, de toutes façons, on ne risque pas de mal jouer au foot….

Ballons touchés par Torres contre la République d'Irlande

Reste que la suite du tournoi peut nous démontrer que Del Bosque a envie d’alterner les systèmes. En fonction d’un adversaire prompt à défendre bas sur un attaquant axial, Del Bosque peut-il insister sur un Fabregas fuyant des défenseurs parfois perturbés quand il n’y a pas d’adversaire en face. Imagine-t-on Terry-Lescott être à l’aise loin du duel frontal, et devant intervenir sur des petits lancés de loin ? Cela peut tout aussi bien déstabiliser Rami et Mexes.

 

Alors, Carlos Alberto Parreira a-t-il changé la face de la tactique du foot en une phrase bien sentie ?

C’est aller un peu vite. Les attaquants ne font pas le même métier que les autres joueurs. Ils ont ce plus, ce calme, cette précision devant le but qui fait la différence. En ce sens, on aura toujours besoin d’attaquants sur un terrain. Mais Parreira n’a pas forcément tort. Ne peut-on imaginer les attaquants partir de plus loin à l’avenir ? Après tout, aucune règle n’oblige à laisser des attaquants devant comme des piquets. Si un attaquant s’appelle Alves et joue arrière droit au Barça, cela n’en constitue pas moins un joueur qui a des qualités d’attaquant. Si Messi marque beaucoup plus depuis qu’il part de loin, cela ne peut être dû au hasard. Et tout cela n’est guère nouveau. Le Barça de Johan Cruijff s’appuyait sur un avant-centre en retrait nommé Bakero qui servait d’ancrage, de pivot sur toutes les remontées de balle. Il mettait ses qualités d’attaquant au service de la création des joueurs de milieu qui trouvaient des joueurs extérieurs (Stoïchkov) dans des situations lancées. L’avant-centre ne marquait que peu, mais l’équipe jouait bien et marquait beaucoup. Mais, quand Romario est arrivé, le jeu a changé et le Barça de Cruijff ne s’en  est pas plus mal porté.

 

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