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L’histoire d’une évolution victorieuse.

Publié le 4 juillet 2012, dans Euro 2012.

Et à la fin…………l’Espagne gagne.

Quand on dit que les statistiques sont faites pour être contredites, que dire des dictons ! Celui de l’ancien buteur anglais Gary Lineker vantait les mérites du mental allemand. « Le football est un jeu qui se joue à 11 contre 11. Et, à la fin, l’Allemagne gagne », disait-il. Sauf que l’Allemagne a beaucoup changé. Elle a un jeu très ouvert, très agréable mais cela fait quand même quatre compétitions consécutives qu’elle passe totalement à côté des matches essentiels (trois défaites logiques en demi-finale en 2006, 2010 et 2012, une défaite inéluctable en finale de l’Euro 2008).

A contrario, l’Espagne ne pouvait pas y arriver. Tiraillée entre Barça et Real, trop technique, trop peu portée sur le mental et le physique, elle n’était pas taillée pour gagner. Résultat : elle vient de réussir un triplé que nulle autre équipe n’avait jamais réalisé jusqu’alors. Gagner l’Euro 2008, la Coupe du Monde 2010 et l’Euro 2012 à la suite, voilà qui est réellement une performance exceptionnelle. Même la RFA de Beckenbauer avait échoué face à ce triplé lors des tirs au but contre la Tchécoslovaquie de Panenka en 1976.

Guère de doute : pour avoir réalisé un tel exploit, l’Espagne est une très grande équipe. Et qu’on cesse d’essayer d’en réduire la portée. Surtout, et c’est ce que nous allons voir statistiques à l’appui, elle a su évoluer à la fois dans les hommes et dans le style depuis 2008.

Car on ne gagne jamais de la même manière dans la durée. Même le Brésil de Pelé a fini par perdre. Même la RFA de Beckenbauer a fini par péricliter en 1978, faut d’un renouvellement essentiel dans les hommes et dans les idées. Car, contrairement au discours commun, l’Espagne n’est pas une simple copie des années précédentes. Et pas seulement une pâle copie d’un Barça sans Messi.

Au reste, on a assez entendu au long de cet Euro qu’elle n’était pas aussi conquérante et spectaculaire que les années précédentes (on avait même fondé de grands espoirs pour la France sur cette seule affirmation) pour ne pas dire aujourd’hui exactement le contraire au vu d’une finale enfin aboutie (4-0) contre l’Italie.

L’ESPAGNE MOINS FORTE ?

Qu’est-ce qui a donc pu donner cette idée que l’Espagne était moins forte que ses devancières ? Avant de parler chiffres, disons-le tout net : une forme de lassitude devant le jeu espagnol a été évoquée. Elle me laisse pour le moins pensif. Combien de fois ai-je entendu des amateurs de foot lors de cet Euro me dire : je n’aime plus ce football de possession, le Barça et l’Espagne finissent par m’ennuyer.

Répartition des ballons touchés par l’Espagne à l’EURO 2008

« Il vaut mieux entendre cela que d’être sourd », me direz-vous. Franchement, mais qu’aiment-t-ils dans le jeu de football ? Des duels de la tête, des tacles, du jeu direct et primaire ? Même les Anglais ont pourtant tourné le dos à ce football de rustres. Et les Français l’ont éventuellement admiré, mais jamais pratiqué. Alors quoi ? On se lasse du Barça, de l’Espagne parce que ces équipes ont la balle, et font de la possession une arme ? Alors ne faut-il pas plutôt en vouloir aux équipes qui jouent en face, ou plutôt qui déjouent en face ? Chelsea a su gagner comme cela une fois, grand bien lui fasse. Mais si Chelsea rencontre son double, vous achetez un billet pour voir ça, vous ? Et quand vous voyez le recrutement de Chelsea cet été, vous n’avez pas l’impression que les Londoniens ont bien intégré que pour durer, il faudra jouer autrement ?

La réponse est évidence. Ce n’est pas au Barça ou à l’Espagne qu’il faut reprocher de jouer un football de possession et de s’assurer un maximum de contrôle du ballon, face à des adversaires qui « jouent la carotte », en attendant l’occasion de partir en flèche en contre-attaque. On peut juste craindre que les malheurs italiens en finale finissent d’en convaincre qu’il ne faut pas jouer contre les Espagnols, car on risque d’en prendre quatre. Et qu’il vaudrait donc mieux spéculer sur un contre hasardeux (n’oublions pas que Chelsea aurait bien pu et dû perdre les deux matches contre le Barça !)…

Mais répondons à la question : l’Espagne était-elle vraiment moins forte sur cet Euro 2012 ?

En marquant 12 buts (meilleure attaque avec, de plus, 10 buts inscrits dans le jeu) et en concédant un seul but (meilleure défense), elle serait inférieure à ses devancières ?

Prenons les chiffres :

–         Une possession en hausse : 720 passes par match en 2012, contre 617 en 2010 et 529 en 2008.

–         Des tirs en baisse : 17 par match, contre 18 en 2010 et 19 en 2008.

–         Des centres en chute : deux fois moins que lors de la Coupe du Monde.

–         Des dribbles en recul : 50% de moins qu’il y a deux ans.

–         Des duels moins nombreux, mais davantage remportés.

Vous connaissez la maxime du Général de Gaulle : « Les statistiques, c’est comme les mini-jupes, cela cache l’essentiel ». Les chiffres cacheraient donc une Espagne en baisse ? De fait, les chiffres traduisent l’apparence d’une équipe jouant plus sur la conservation de la balle pour mieux se protéger. Même devant, on ne jette pas le ballon (moins de centres, de dribbles) pour mieux le contrôler. Tant que l’équipe a le ballon, elle n’est pas en danger. Elle multiplie donc les passes.

L’ESPAGNE NE SERAIT PLUS OFFENSIVE ?

Répartition des ballons touchés par l’Espagne à la Coupe du Monde 2010

Mais comment jouerait-elle davantage la profondeur qu’en 2008 où Villa et Torres étaient associés devant ? Dans un 4-1-3-2, l’Espagne d’Aragones jouait plus directement devant et maîtrisait moins. Senna était alors le seul milieu défensif. Xavi travaillait plus auprès de lui, mais le quatuor Silva-Iniesta-Villa-Torres attirait plus les ballons devant. D’où moins de ballons touchés dans la surface cette année, mais aussi plus de précisions dans les 30 derniers mètres puisqu’on a pu s’appuyer sur Fabregas, Silva ou Iniesta dans les zones offensives.

L’Espagne faisaient donc 200 passes de moins par match. Mais si elle frappait davantage au but, elle cadrait moins car tentait en toutes positions. Et puis, n’oublions pas l’évolution de son style au long du tournoi. Si elle avait fait le spectacle et encaissé un but par match lors du premier tour en 2008, elle avait resserré son jeu au deuxième tour. Le quart contre l’Italie pouvait ressembler fortement à la demi de cette année contre le Portugal. Fernando Torres avait aussi moins joué au second tour pour mieux assurer dans un schéma tournant au 4-1-4-1. En 2012, on peut reconnaître que l’Espagne, privée de Villa et d’un Torres encore bondissant, n’avait pas les mêmes armes offensives.

Aurait-elle pu gagner en spectaculaire en évoluant avec Guererro ou/et Torres ? Mais quelle équipe a gagné avec des attaquants nés de la dernière pluie ? Même Benzema n’est pas apparu encore mature, avec un Euro (mais quel Euro !) dans les jambes, pourtant. Aucune équipe ne saurait gagner avec un attaquant découvrant le haut niveau. Ou prouvez-moi le contraire !

Au moins, l’Espagne a-t-elle su garder son style de jeu avec le ballon, en privilégiant son contrôle (avec Fabregas comme pivot devant), et su rester la même de bout en bout du tournoi. Retrouvant finalement plus de verve en finale, en bénéficiant d’un Xavi redevenu lui-même.

Finalement, on pourrait dire que l’Espagne a eu presque plus de mérite cette année qu’en 2008, puisqu’elle a su faire (y compris offensivement en marquant 12 buts) sans un Xavi exceptionnel et avec des attaquants blessés ou en retrait.

Et si Jordi Alba a apporté ses jambes et un rayonnement offensif nouveau à gauche (bien plus que Capdevila jusqu’alors), cela a été largement compensé par le passage de Sergio Ramos dans l’axe, Arbeloa se montrant comme toujours bien timide balle au pied. Donc, là encore, l’Espagne n’avait pas les moyens humains d’aller vite devant.

L’ESPAGNE PLUS DEFENSIVE ?

Répartition des ballons touchés par l’Espagne à l’EURO 2012

Osera-t-on aller jusqu’à dire que l’Espagne était calculatrice et défensive ? Certains ont osé, assimilant la possession de balle à de la conservation plutôt que de la construction. Heureusement, la finale est venue atténuer ce jugement péremptoire. Car il faut rappeler ici qu’il y a toujours un risque à posséder le ballon. L’Allemagne a voulu avoir le ballon contre l’Italie. Encore faut-il savoir en user et savoir ne pas se faire contrer. L’Allemagne a été punie, l’Espagne a su rappeler dès le début de la finale qu’elle était d’un autre calibre. Vous serez aussi sans doute surpris de savoir que l’Espagne a subi plus de tirs cadrés par match que lors des deux compétitions précédentes et que Casillas a joué un rôle plus important dans la victoire (1 but concédé sur 16 tirs cadrés).

Pour autant, avec un rempart au milieu déjà efficace en 2010 (Busquets-Xabi Alonso), la défense n’a pas plus souffert sans Puyol. Confirmant qu’un football maîtrisé collectivement en sélection fait vite la différence face à des équipes souvent approximatives dans leur équilibre (France, Allemagne, Suède, Ukraine, par exemple).

L’ESPAGNE EST TOUJOURS LA MEILLEURE

En somme, si l’Espagne a changé, mûri, ce n’est sûrement pas en s’affaiblissant. Si elle a repris les « standards » du Barça pour arriver au sommet. Elle a, cette fois, pu bénéficier d’un Real qui est venu sur le terrain du Barça cette saison en jouant un meilleur football. L’entente des 5 titulaires du Barça (auxquels il faudra dorénavant ajouter Jordi Alba) et des 4 titulaires du Real était donc encore plus naturelle qu’auparavant. J’oserais donc dire que l’Espagne était encore plus une équipe lors de cet Euro. Avec un style, incarné par 10 titulaires évoluant au pays.

En ce sens, elle aura encore été la meilleure équipe. Quand bien même le Portugal ou l’Italie en étaient proches (elles ont toutes deux, du reste, fait un nul contre le champion d’Europe), elle aura su toujours maintenir un niveau de base assez haut. En sachant aussi cacher ses faiblesses. Car qu’on ne me dise pas que la défense espagnole était inattaquable. Casillas et une volonté de possession de tous les instants ont su cacher les moments de folie de Sergio Ramos et les instants de timidité de Piqué dans l’axe. Et contribuer à faire de l’Espagne la meilleure équipe européenne de tous les temps.

Rassurez-vous, toutes les grandes équipes ont toujours soulevé des nuances. Le Barça serait-il ce qu’il est sans Messi, ne cesse-t-on de répéter ! Tiens, justement, cet Euro est une forme de réponse à cette question : on trouve l’Espagne moins brillante car elle n’a pas de Messi devant. Mais cela reste une sacrée équipe quand même, non ? Et que les irréductibles qui n’aiment pas ce football se jettent sur un match anglais des années 80. Ils adoreront pendant une durée limitée….avant de réclamer un match du Barça ou du Real Madrid, là où on pratique le meilleur football d’Europe.

2 réponses

  1. L’analyse tactique est bonne, les considérations journalistiques médiocres. Dès lors, prendre un air blasé et soupirer : « mais ferme ta gueule… » De la part de ceux qui aiment – aussi – le football de rustres.

  2. Il n’avait pas pour but de vous convaincre, m’étant volontairement contenté de quelques lignes. Surtout, il ne s’agissait aucunement d’attaquer le football espagnol, bien au contraire… En témoigne mon propre commentaire sur l’équipe, plutôt élogieux : http://footballtotalitaire.wordpress.com/2012/07/03/rapport-de-staff-lespagne-miroir-du-football-de-demain-lemonde-fr/ )

    Simplement, je trouve qu’opposer ces deux footballs est profondément démagogique ; les deux se complètent. L’Espagne est d’ailleurs AUSSI une équipe de rustres : Arbeloa, Busquets, Ramos sont des joueurs qui savent, quand c’est nécessaire, jouer plus dur pour récupérer un ballon ou arrêter une action.

    Autre point, qui me désespère : le Real et le Barca sont peut-être des équipes formidables, ça ne suffit pas à faire le « meilleur football » d’Europe. Le beau football implique deux équipes (et si possible des supporters), ce que n’offrent que ponctuellement la Liga… contrairement aux autres championnats. Le football est comme l’amour : peu importe que le jeu déployé soit séduisant, s’il n’est qu’à sens unique…

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